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A défaut de nouvelle découverte importante récente, je reviens sur cette découverte et exploration majeures entre 1973 et 1977 de mon ancien club le GSPV (qui existe toujours). Ensuite, nous avons repris les travaux et explorations en 1984, 1985 et 1986 où nous avons apporté plusieurs découvertes de galeries et de puits dans la zone du fond et de l’entrée, sans toutefois augmenter le dénivelé.
En 1976, la Cueva Buchaquera était le 5ème plus profond d’Espagne et dans les 30 plus profonds gouffres du monde (26 ou 28ème, il faudrait que j’aille au grenier pour voir mes archives, mais il fait froid ).
Pas mal pour un club qui fait partie d’un département où le trou le plus profond est de – 35 m.
De plus, on était juste au changement de technologie et de technique (échelles --> remontée sur corde), ce fut épique !
Les premières explorations dans cette région Aragonaise fut le fruit d’un groupe Alsacien en 1959.
Ensuite, plusieurs groupes Lorrains travaillent sur le secteur en collaboration avec quelques espagnols. En 1972, un tragique accident de plongée vient endeuiller cette palpitante recherche d’un réseau qui alimente les sources de Villanua.
En 1973, en raison d’un temps pourri sur le Dévoluy, un membre d’un groupe de la région de Nancy qui a participé depuis quelques années aux travaux sur la zone, propose à ses 2 collègues Vosgiens de poursuivre la prospection en altitude.
Afin de ne pas travailler sur la même zone, ils poussent plus loin les recherches, au-delà d’un col et d’un cirque (effondrement important). Il y avait donc peu de chance de trouver un gouffre plus important que les belles découvertes déjà réalisées, et pourtant…
Après la découverte d’une douzaine de cavités d’’une profondeur maxi de 40 m, au-dessus d’un petit éboulis, presque en bordure de la fin du massif qui replonge sur la vallée du Rio Aurin, ils découvrent un joli porche de 2m de haut pour environ 6 m de large. [Ce qui est assez dingue, c’est quand tu es sur le massif, l’entrée n’est pas évidente à trouver ! Par contre en allant se promener sur le massif en face à quelques centaines de mètres, l’entrée crève les yeux, même sans jumelles… Cette découverte aurait pu être réalisée depuis quelques années : mais c’est vrai qu’il est plus logique pour un spéléo d’œuvrer sur un lapiaz, plutôt que sur un massif herbeux gréseux ]. Suite à venir…
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Encore , encore ...
amitiés :d
Titou des Garrigues
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Merci Bisounours pour les encouragements Je pense que plusieurs lecteurs attendent également la suite... c'est le but de ce coin de forum : donner envie d'avoir envie (ça, ce n'est pas de moi )
Il faut que je scanne mes meilleures diapos pour agrémenter le récit...mais j'ai toujours qu'un petit appareil en prêt...
Juste derrière l’entrée, une belle et grande galerie légèrement remontante mène à une belle salle de 20 m x 50 m pour une hauteur de 12 m. Changement de direction à 90° vers l’ouest, un éboulis descend vers un point bas, le lac de la Boue qui s’étend sur plus de 50 m.
De là, un petit couloir bas conduit au sommet de la galerie des Grands Gours, puis à salle du Carrefour (20 m x 70 m, h 50 m). Vers le dessus, la cote + 36 m est atteinte, arrêt sur trémie, vers le dessous, un passage entre les blocs permet d’atteindre une autre salle de taille plus modeste où s’ouvrent plusieurs puits, la cote – 92 m est atteinte dans l’un d’eux.
Plusieurs départs sont à voir, mais l’effectif réduit de 3 spéléologues et le manque de temps ne le permettent pas.
Bilan 1973 : 712 m de galeries topographiées et dénivelé de 135 m (-92, +36) et plein d’espoir pour l’année suivante !
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En 1974, vu la situation de la cavité, l’accès par le Rio Aurin sera préféré à celui du col de Villanua. Le dernier petit village atteint en voiture après 10 km de piste carrossable est Acumuer (1 ou 2 habitants en hiver, une cinquantaine en été). De ce point de départ vers 1 100 m d’altitude, c’est 10 km de sentier à pied pour atteindre ce que nous appellerons le camp de base vers 1 550 m.
Le camp est installé dans une petite prairie au pied de la Pena Somota et du cirque du Rio Aurin, à côté d’une cabane de berger et du ruisseau : c’est presque tout confort !
De ce point, l’entrée de la grotte vers 1 950 m est à environ 1h-1h30 de marche, selon la forme et le poids des sacs…
Suite de l’exploration : un passage dissimulé entre les bocs de la salle, non vu en 1973, donne la suite de la cavité : conduit étroit sur quelques mètres, galerie, éboulis incliné et arrivée dans la salle de la Cascatelle où l’actif est remonté sur 150 m.
En aval, en suivant plus ou moins le petit actif, on arrive dans la galerie du Barranco qui débouche après une autre salle sur un toboggan (grande dalle plate fortement inclinée d’une longueur de 50 m), en son milieu P 10 arrosé, puis arrivé sur un éboulis.
R4, perte du ruisseau dans un petit méandre, puis P 10, P 6 et P 6 : arrivée dans la salle du Lait à -153 m.
Méandre, P 25, éboulis, P 6, série de ressauts, nouveau méandre, P 6, salle ronde, P 12, diaclase étroite à descendre sur 12 m, méandre étroit (Méandre des Hésistations) qui débouche par étroiture dans un élargissement : la salle aux Spits.
Une escalade de 7 m permet d’atteindre un beau puits de 28 m et la cote – 290 m. Ensuite une diaclase mène au plus grand puits du gouffre : Le Pozo qui est un p 40 de forme rectangulaire (30 m x 10 m) [plus tard, on verra qu’il y avait un autre passage pour accéder à ce puits].
La suite se fait dans un grand méandre d’environ 60 m de haut et 5 m de large, P 9, plusieurs ressauts…et arrêt au-dessus d’un P 8 : plus de matériel…
Bilan 1974 : 1530 m de galeries topographiées et dénivelé de 416 m (-380, +36)… et plein d’espoir pour l’année suivante ! Suite à venir…
Dernière modification par Eric P88 (31/12/2013 14:19:33)
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Merci Dom
Bonne nouvelle, j'ai retrouvé mes diapos de surface , reste à retrouver celles de la galerie d'entrée (après je n'ai pas de photos persos )
Suite à la parution de nos travaux dans Spelunca N° 3 de 1974, l’année 1975 ne démarre pas trop bien. En effet, sur les conseils d’un responsable de la fédé, un groupe de spéléos espagnols reprend les travaux avant notre arrivée…
Il est vrai qu’ils sont dans leur pays et qu’aucune demande officielle n’ait été faite pendant des années, mais quand même le procédé est mal vécu. Dans ce même Spelunca est maintenant indiqué une série de règles et démarches pour avoir une autorisation !
Le GSPV s’est donc plié début 1975 à cette nouvelle donne…mais n’a pas reçu de réponse avant le camp d’été !
Seul courrier reçu une semaine avant le départ, les spéléos espagnols ont atteint un siphon vers -490 m.
Le camp se réalisera quand même.
Après descente du P 8, arrêt 1974, méandre étroit sur environ 30 m, P 28, P 25 et arrivée sur un énorme éboulis provenant de la salle du Chaos. Au pied une nouvelle galerie déclive entrecoupée de plusieurs ressauts débouche dans une diaclase où se trouve le siphon des Espagnols.
Après une recherche minutieuse dans la zone, en partie gauche, un talus argileux remontant « La Schlitte » nous offre une suite.
Arrivée dans une galerie supérieure, la galerie des Rem qui court-circuite les siphons (plusieurs puits à la base de la galerie redonnent dans l’eau). Après environ 65 m la galerie débouche sur une nouvelle galerie active et une nouvelle morphologie du gouffre, la galerie des Cascades.
Nous sommes sur un petit collecteur de largeur entre 2 et 5 m et une hauteur de 10-15 m quand on voit plafond, avec une arrivée d’un nouveau torrent souterrain. La partie amont est composée de marmites et de 3 petites cascades, arrêt au pied d’une cascade d’une vingtaine de mètres (la suite sera vue en 1985).
En aval, la galerie plonge et le plancher est couvert de Moommilch où il est difficile de tenir debout ! La Savonnette. Cascade de 11 m, cascade de 10 m, puits de la Pluie (cascade de 20 m), arrêt au-dessus de 2 puits parallèles.
Dans la galerie d’entée : découverte de bauges à ours avec traces de griffes au plafond et nombreux ossements : moutons, isards, ours…et près du lac asséché des restes humains. Après recherche, le squelette entier est retrouvé, couvert partiellement de Moommilch (étude confiée à un institut espagnol). Grosse énigme, comment est-il venu jusque là...et si loin de tout !!! et à quelle époque ?
Bilan 1975 : 2 100 m de galeries topographiées et dénivelé de 626 m (-590, +36)… et plein d’espoir pour l’année suivante car à vol d’oiseau les résurgences présumées sont à plus de 6km et 400 m plus bas ! Suite à venir…
Nota 1 : C’est suite à un article de la presse locale sur cette découverte et les activités du club, que ma sœur… puis moi avons commencé la spéléo. Voir :
http://forum.ffspeleo.fr/viewtopic.php?id=4329
Donc, la suite sera plus « vivante » avec quelques anecdotes car j’y ai participé.
Nota 2 : Pour ceux qui serait intéressé par un résumé plus exhaustif des recherches sur le secteur concerné de 1959 à 1977, Christian Pérignon de la Ligue Lorraine a écrit et déposé un livre au 1er trimestre 1978 : « 18 années de spéléologie dans les Pyrénées Aragonaise Huesca-Espagne ». Livre certainement à la bibliothèque de la LISPEL.
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Avant d'attaquer 1976 et les autres années, voici quelques scans de diapos, même si la qualité n'est pas trop présente, ça donne le décor
De plus, la situation de l'entrée vue du massif en face : c'est un document rare, il existe très peu de photos (et aucune publiée à ma connaissance). Je suis allé voir sur le net : il y des espagnols qui ont tourné en rond au-dessus de l'arbre
Sur Google earth : la définition est faible, c'est pas terrible dès qu'on zoome. J'ai trouvé des coordonnées sur un inventaire, mais il doit y avoir une inversion de chiffre dans la longitude, après la virgule car on se retrouve hors massif !.
Je n'arrive pas à superposer mes photos à la photo de Google pour être certain du truc, mais je dirais aux alentours de (en inversant le 36) 0°26,63' O 42°41,11' N 1960 m
En montant sur la piste vers Acumuer : notre salle de bain quand on redescendait en ville !
Sur le massif
Camp altitude avec la petite vallée pour rejoindre la Cueva (et le col de Villanua)
La cabane près des tentes (Abri bouffe, cuisine-salle à manger, etc.)
Montée vers la Cueva (plateforme herbeuse avec un gros arbre en repère (tout du moins à l’époque, existe-t-il encore ?) Au fond le col de Villanua
Vue sur le cirque intercalé entre le col et la Pena Somota
Sur le massif
Vue sur la vallée du Rio Aurin vers Acumuer (La piste a été créée dans les années 1980 : ce qui évite les longs portages depuis Acumuer)
Massif de la Pena Somota où se trouve l’entrée…vous ne la voyez pas ? voir plus bas
L’entrée vue de l’extérieur
L’entrée vue de l’intérieur
Plan général (même photo qu'avant ) : au bout de la flèche : Cueva Buchaquera
Plan resserré côté est : au bout de la flèche : Cueva Buchaquera
Plan resserré côté est : au bout de la flèche : Cueva Buchaquera et arbre repère (en montée comme en descente, sur la plateforme herbeuse)
Plan resserré côté est avec vue sur le massif entrecoupée par le Rio Aurin : au bout des flèches : Cueva Buchaquera
Dernière modification par Eric P88 (29/12/2013 22:08:03)
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Oui, que de beaux souvenirs ! Ma première vision, à l'époque, d'un karst d'altitude
J'ai rajouté une photo, juste au-dessus.
La géologie est assez complexe, on est sur une assise gréseuse très importante. On a eu une chance inouïe, la cavité se développe dans ce joint de strate dans une bande de calcaire pas très épaisse mais inclinée dans les 65° et qui plonge vers l'ouest !
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Il a quelques ressemblances avec le massif de gavarnie/Mont perdu...
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1976 : bis repetita !
Informés de l’avancée de l’exploration de 1975, les spéléos espagnols reprennent dès le début d’année les travaux. Ils descendent la série de petits puits et s’arrêtent de nouveau sur siphon…
A -590 m, une première cascade de 5 m, puis une série de petites cascades baptisées « puits Elena », une vingtaine de mètres en tout aboutit sur 2 nouveaux siphons.
Malheureusement, les spéléos vosgiens renforcés par un club du Doubs trouvent bien une cheminée…mais qui retombe dans la galerie d’accès.
C’est donc dans la partie supérieure de la grotte qu’il va y avoir du nouveau : en remontant le ruisselet qui aboutit à la salle de la Cascatelle, le début par escalade, la cote + 70 m est atteinte, puis + 90 m et ensuite la remontée de deux grandes cheminées en plafond mène à + 107 m, arrêt sur éboulis très instables.
Bien entendu, énormément de prospections en surface avec quelques découvertes de petites cavités, mais également reprise d’explos dans des cavités voisines pour essayer de trouver des jonctions : L’aven Pedrito (magnifique gouffre avec un glacier dans le puits d’entrée), la grotte du Lac ou de l’Ours, etc.
Rive gauche du Rio Aurin, un peu au-dessus du camp, découverte et exploration de la résurgence de l’Arbre mort ou du Paralytique (146 m, + 34 m)
En 1976, je n’ai pas participé au camp, car d’une part je commençais seulement la spéléo et d’autre part ayant un peu plus de 16 ans, j’ai travaillé les 2 mois et demi d’été…pour acheter mon matériel et me payer des sorties.
Toutefois 2 anecdotes
La première se passe au fond du trou à – 600 m qui était pour la première fois équipé qu’en cordes. Le copain un peu plus âgé que moi se tourne vers ses coéquipiers d’explos, des spéléos du Doubs, en tenant à la main ses 2 jumars et des pédales et demande « ça marche comment ça ? »
La deuxième se passe en surface où vaches et chevaux ont rendu visite au campement, beaucoup de casse, tentes arrachées, nourriture éparpillée, matériels piétinés dont une magnifique guitare éventrée.
Bilan 1976 : 2 400 m de galeries topographiées et dénivelé de 714 m (-607, + 107 m)
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1977, je suis de la partie.
Deux mauvaises nouvelles :
1) Les mules qui aidaient pour le portage depuis Acumuer les 2 années précédentes sont hors de prix, donc portage à l’os. Même s’il y avait moins de matériel d’explos à monter, les sacs étaient lourds !
2) Temps pourri, on a dû écourter le temps en altitude et on est parti une semaine à la mer où la météo était un peu mieux
Pas de nouvelles avancées dans le réseau supérieur de la Cueva Buchaquera, et rien de plus dans le Pedrito ou dans la résurgence de l’Arbre mort.
Nouvelles zones de prospection, très éloignées du camp, avec quelques découvertes, dont le puits de la Mort. Enorme puits estimé de 50 m vers le bas et presque autant vers le haut, avec une fenêtre en falaise, mais qui n’a pas été descendu cette année, car il était trop dangereux et corde trop petite et… un coéquipier avait glissé en short (involontairement !) de plusieurs centaines de mètres sur un névé, il avait une énorme brûlure aux fesses !
Interruption de 5 ans avant de revenir sur la zone en 1982.
Suite à venir… avec des découvertes intéressantes dans la cueva Buchaquera
Dernière modification par Eric P88 (31/12/2013 14:53:24)
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En 1982 nous nous retrouvons une petite équipe de 8, quelques anciens, quelques jeunes, seulement 2 ou 3 ont fait le fond et 1 ou 2 la partie des grandes galeries. Le but était de revenir sur cette jolie zone (nostalgie quand tu nous tiens…) pour trouver de nouvelles cavités ou/et jonctions et de renouer avec un « camp club » estival.
En arrivant à Acumuer, on a une agréable surprise, une piste remonte dans la vallée du Rio Aurin, mais jusqu’où ?
On décide d’avancer le plus loin possible avec nos voitures de tourisme chargées à bloc. On frotte la caisse une paire de fois, mais rien de bien grave, on y va lentement… j’ai une voiture neuve, les cailloux giclent, on est content de ne pas porter, mais les voitures souffrent quand même + la chaleur : les ventilos tournent à fond…
On arrive au pont de pierre qui enjambe un affluent du Rio Aurin, il est effondré et un Land Rover se trouve en fâcheuse posture 8 m plus bas !
Un berger nous indique de retourner sur quelques centaines de mètres et de reprendre une piste qui monte… et qui passe bien plus haut l’affluent à gué. On décide de laisser les voitures un peu plus loin dans une prairie, mais on a gagné des heures et des heures de portage.
Après un premier portage léger et reconnaissance de la fin du parcours, le copain qui avait une plus vielle voiture et plus haute, décide d’aller jusqu’au camp. On charge donc tout le reste du matériel dans sa voiture et le camp est installé le soir même.
On verra plus tard que cette avancée créa quelques soucis importants, les années suivantes.
Enormément de prospection : 9 cavités trouvées et explorées, mais rien de bien important + la descente du « puits de la mort » après d’énormes nettoyages et précautions : rien au fond.
Visite dans les grandes galeries de la Cueva Buchaquera, mais sans réelles recherches, juste pour le plaisir et les photos.
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1983 : je descends dans les Pyrénées avec un copain-collègue de travail non spéléo.
Je rejoins 2 spéléos de mon club dans la vallée de l’Ossau qui dirigent et animent un centre de vacances. A l’intersession, on explore, non sans mal, le gouffre de l’Aphanicé avec son magnifique puits des pirates de 328 m d’un trait ! Cette épopée mériterait un fil de discussion à part …
Après cette explo et une semaine en France, je passe en Espagne avec mon copain pour aller prospecter pendant une petite semaine les hauts lapiaz rive gauche du Rio Aurin.
Beaucoup d’entrées vues, mais déjà marquées à part une dans laquelle je descends dans une conduite forcée sur plusieurs dizaines de mètres. Vu que je suis seul sous terre et vu la situation géographique éloignée, je ne force pas… Le secteur semble moins intéressant, mais il fallait voir.
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1984 : le niveau technique et physique des membres du club ayant bien progressé depuis quelques années, nous décidons de réexplorer le fond de la Cueva Buchaquera. Nous nous retrouvons de nouveau à 8 au camp d’altitude, dont beaucoup de l’équipe de 1982.
On équipe la Cueva en remettant quelques spits et en augmentant la sécurité.
La progression sur corde est maintenant une technique bien assimilée, l’équipement perso ayant également bien évolué, les temps passés sous terre sont nettement moins long que lors des pointes des années 70.
Toutefois, ça reste de belles explos de 16 à 18 heures auxquelles il faut rajouter les marches d’approche…
Alors que nous sommes 6 ou 7 au fond, je pars en opposition au-dessus du siphon terminal pour aller voir au bout (il est assez long) si ce n’est pas une voute mouillante ou s’il n’y a pas un passage masqué par le léger coude.
Pour bien camper le décor, le siphon est profond, l’eau est claire et l’oppo est d’environ de 0,8 m à 1,2 m de large, avec un léger dépôt argileux sur les parois certainement laissé par une hauteur d’eau variable selon les crues. Un autre spéléo me suit et après vérification au bout pas de suite, on revient.
Stupéfaction, les autres spéléos ne sont plus là, alors que l’accès au siphon n’est pas des plus aisés car c’est un toboggan argileux. On appelle… rien.
On essaye de se reposer sur un petit pont rocheux, car ça fait déjà au moins 10 minutes qu’on est en oppo… et là stupeur, ce n’est pas de la roche c’est de l’argile un peu séché qui tient presque par miracle à 1 m au-dessus de l’eau et le pont commence à s’effondrer avec des grands « ploufs » lugubres. La paroi est très glissante, avec la fatigue je n’arrive pas à sortir de ce pas et le copain derrière moi hurle qui va lâcher aussi si je n’avance pas… et toujours pas de lumière malgré nos appels.
J’allume mon électrique et voit une petite marche de quelques centimètres carrés à – 1,2 m sous l’eau à l’aplomb du talus d’accès.
D’un énorme coup de reins et en poussant le maximum sur les bras, j’arrive à sauter sur le talus…mais le sol est glissant et je m’enfonce dans le siphon en appuyant le bout des pieds sur la paroi pour ne pas rater la marche.
L’opération a réussi , je suis stabilisé avec de l’eau gelée jusqu’à la poitrine.
Le copain, toujours en oppo me demande de faire vite. Sortir en oppo d’un siphon, sur un talus d’argile c’est presque mission impossible… et toujours personne au-dessus. C’est alors que je me suis souvenu du film de Baptizet, avec ma pédale en alu et mon descendeur, j’ai taillé dans l’argile et je m’en suis servi comme « piolets ».
Une fois sortie, le copain a suivi la même trajectoire que moi… Je l’ai sorti de cette position difficile en attachant grande longe-grande longe.
Encore une fois, je suis passé près de la catastrophe à cause d’une séparation non prévue de l’équipe ! Ca aurait été tellement simple et sécurisant que nos coéquipiers nous jettent une corde de quelques mètres s’ils avaient attendu quelques minutes !
Nous étions en train de nous remettre de nos émotions, quand les lumières reviennent.
« où vous étiez b--del de m--- ! on a failli crever dans le siphon »
« on avait froid, on est remontés un peu…on a trouvé des galeries sèches »
« où ?»
« là, un peu plus haut et ça à l’air de continuer »
« ouais, nous on est gelés, on va aller voir, mais on déséquipe le fond »
Bon le cœur n’y était plus beaucoup et la forme physique avait pris un sacré coup avec cette immersion dans l’eau gelée… et il reste 8 à 10 heures d’efforts avant de revoir le jour. On a fait environ 100 m dans différentes galeries : il faudra revenir !
En remontant encore plus loin, on a également retrouvé une nouvelle galerie supérieure, mais qui retombait assez vite dans le méandre de la rivière.
A suivre…
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Super, Eric ! Ton récit est du VRAI récit d'exploration, ça me rappelle les galères décrites il y a un moment dans SpéléoMagazine. Continue, ça vaut Casteret ;-)
Jef
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Merci Jeff,
Effectivement du VRAI récit, avec ses bons et un peu moins bons côtés... pas toujours des expériences heureuses, mais le principal c'est de pouvoir les raconter... Enfin, certaines sont humoristiques
Quant à Casteret, je pense encore être loin de son niveau d'écriture... mais si ces récits et les miens peuvent contribuer à donner une autre vision de la spéléo à des néophytes et leur donner envie de venir voir.
De plus faire plaisir à des spéléos confirmés car cela leur rappelle des moments propres vécus, c'est tout bon.
Il faudrait que je revois le magazine "spéléo", le club est abonné, car le peu que je connaissais était assez sympa.
Le gag, c'est que plus jeune j'écrivais très peu y compris en cours. J'ai commencé d'écrire un peu les explos depuis l'utilisation des PC, tout du moins l'achat de mon propre PC en 2000 .
Pour les expés de 1985 et 1986, j'ai plusieurs comptes rendus de participants, cela va m'aider pour des précisions
Je prépare 1985...mais en 1986 vous aurez une anecdote souterraine...dont les meilleurs scénaristes n'auraient osée écrire
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Ce n'est pas parce que tu n'as pas le niveau d'écriture de Casteret que cela t'empêches d'écrire. Continue comme tu le fais, comme tu le sens, écrit ce que tu as vécu et ressenti et cela sera très bien.
Quand j'aurai le temps, je ferai de même. écrire ses mémoires, c'est bon pour les neurones ;-)
Oui, ton récit et les autres doivent donner envie à des néophytes d'essayer la spéléo et, peut être, de continuer. Je me rappelle lisant Casteret dans les années 60...
Bonne année spéléo à tous.
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Je devais partir cet après-midi...et puis pas possible car les personnes à visiter étaient absentes, alors ci-dessous mon travail de synthèse de l'année 1985.
1985 : lors des 12 derniers mois, nous avons communiqué avec un « ancien » membre du club qui s’est "exilé" dans le sud au niveau professionnel et nous avons ouvert notre camp club pour avoir un peu de renfort de spéléos !
C’est donc 12 spéléos…de 7 clubs différents qui se retrouvent étalés sur la période du 13 juillet au 27 juillet 1985, mais seulement 3 de mon ancien club.
A 5 spéléos, ils se retrouvent 2 jours de suite sur le massif à 2500 m d’altitude pour une mise en condition, la reconnaissance du massif et resituer l’entrée du Gouffre des Lunettes. Entrée que j’avais trouvée en 1984, sur les contreforts du col au-dessus du massif. Nous n’avions pas pu descendre une verticale estimée à plus de 50 m en raison d’un pincement du méandre en tête de puits.
Pourquoi ce nom ? Tout simplement car un équipier avait laissé ses lunettes de soleil à l’entrée…et les avait oubliées, avant de s’en apercevoir quelques jours plus tard…à l’heure du départ du camp.
Extrait du compte rendu du copain : « Nous avons donc retrouvé et fait la première du « trou aux lunettes ». Après avoir désobstrué le méandre d’entrée pour déboucher dans un magnifique puits d’une cinquantaine de mètres, lugubre à souhait avec sa roche noire argentée par les gouttes d’eau, coupé par un palier à – 30 m formé de gros blocs et l’éboulis classique terminal qui doit clore ce beau rêve à 1500 m de dénivelé des résurgences. » La cote atteinte : -76 m.
Mardi 16 juillet, l’équipe se repose et j’arrive avec 500 m de corde et tout le reste pour l’équipement de la Cueva. Comme ma voiture est basse, je suis resté au «PK habituel », alors que les camping-cars avaient réussi à monter jusqu’au camp de base. Portage de la voiture au camp de base.
Mercredi 17 juillet, on remonte sur le massif pour rééquiper-déséquiper le trou des lunettes où un kit est retombé sur le palier lors du précédent déséquipement…
3 spéléos restent sur le massif pour prospecter et bivouaquer, pendant que je redescends avec mon copain de club du sud pour préparer l’équipement de la Cueva.
Un nouvel arrivé au camp sera « désigné » volontaire pour nous aider à l’équipement demain.
Jeudi 18 juillet, un orage matinal nous fait décaler le départ.
Extrait du compte rendu du copain : « …et nous voilà au pied du lapiaz pentu de la Cueva. Derniers efforts, courbés sous la charge, suant de toute part, l’entrée est là. Petit porche perdu dans ce lapiaz coloré de jaune par les ajoncs nains. Tout y est, même le parfum, le décor n’a pas changé. On s’équipe et vite on y va. Quelle passion de se retrouver là ; à chaque salle, à chaque puits un nouveau souvenir m’envahit et au bout de quelques heures, la Cueva est équipée jusqu’à – 280 m, au sommet du P 40, non sans avoir remplacé et complété quelques équipements… »
Après avoir passé 8 h sous terre, retour au camp vers 22 h où vient d’arriver notre troisième copain du club. Il est venu en train avec un bon sac à dos et a coupé à travers la montagne depuis Villanua, 1000 m de dénivelé, plus de 5 h de marche… « Plus jamais », il a dit !
Vendredi 19 juillet : On décide d’aller à la rencontre de nos 3 « naufragés » des lapiaz.
Ils attendaient 1 équipier, c’est 5 qui arrivent avec des sacs à dos pour les délester le leurs lourdes charges.
Ils ont trouvé une douzaine d’entrées dont une magnifique galerie dans une grotte glacée prometteuse. On continue la prospection ensemble, puis redescente au camp.
Extrait d’un autre compte rendu : « Il faut presque mettre des œillères pour ne pas être dévié de la ligne droite qui emmène vers le col et le torrent sec descendant vers le camp de base. Parce que partout on voit des dolines et des inclinaisons qui tentent d’être explorées de plus près».
Au camp c’est la catastrophe, une vache errante a piétiné les tentes et a mangé pas mal de trucs. Après le repas, feu et infusion de menthe fraichement cueillie.
Samedi 20 juillet : repos, descente en ville à Jaca pour ravitaillement et pèlerinage à la « Casa Paco » pour Paëlla et sangria à volonté…ou presque !
Dimanche 21 juillet : Equipement à 3 spéléos jusqu’à la première cascade à – 500 m avec de nouveau des plantés de spits, surtout au-dessus du P 40. Ils sont de retour le lundi matin vers 4 h et nous font un bref compte rendu.
Lundi 22 juillet, on part à 4 pour « la pointe ».
Départ du camp à 8 h, entrée dans le trou à 9 h avec un kit bien plein chacun. On équipe les cascades jusqu’à – 550 m, arrivée à 16h30 et on escalade pour arriver aux galeries trouvées en 1984.
2 spéléos repartent à la cascade pour démarrer la topo et pouvoir la raccorder, alors que je cherche avec mon équipier les différents départs et commence les équipements, dont la remontée depuis la rivière.
La galerie se rétrécie de plus en plus… et découverte d’une galerie large avec arrêt sur un plan très incliné. On entend une chute d’eau. Dans une autre galerie, arrêt sur un autre siphon. Environ 250-300 m de galeries explorées avec des fleurs de gypse par endroit.
Le retour est commencé à 20h30 et déséquipement jusqu’au siphon des Espagnols. Le repas est pris tardivement à la salle aux Spits à -250 m, les kits sont lourds et sortie à 4h30, retour au camp à 5h30.
Bon dodo après plus de 22 h d’efforts.
En même temps que nous étaient entrés 2 spéléos pour reprendre les explos à + 107 m, mais une étroiture très humide ne leur a pas autorisé le passage, retour au camp vers 15 h.
Mardi 23 juillet : repos pour l’équipe du fond et déséquipement à 4 spéléos jusqu’au méandre des Hésistations à -230 m. sortie vers 212h30.
Extrait d’un compte rendu : « Malgré le fait que ça concerne uniquement une séance de déséquipement, ils ont descendu un kit plein de bouffe….Avec un réchaud pour quatre et une grande faim, on ne suit pas les règles gastronomiques. Une gorgée de soupe aux poireaux, une figue, morceau de fromage, quelques cuillères de hachis Parmentier, noisettes, chocolats, couscous, figues, voilà le rythme. »
Mercredi 24 juillet : on repart tous prospecter ou visiter le trou qui se trouve au pied de l’éboulis de la Cueva.
Le gouffre des Isards se trouve seulement à quelques dizaines de mètres de l’entrée.
On est passés, à plusieurs centaines à quelques mètres pendant des années sans le voir.
En montant, nous passions toujours à gauche d’un rocher…il se trouvait à droite masqué également par la végétation. C’est un P 53, composé de plusieurs verticales, palier à – 3 m, - 20 m et – 33 m environ avec éboulis terminal et courant d’air aspirant. Désobstruction et topo. Retour au camp en fin d’après-midi.
Jeudi 25 juillet : On repart à 3 pour déséquiper le reste de la Cueva et ressortir tout le matériel.
On en profite pour regarder dans les galeries.
Extrait d’un compte rendu : « Eric regarde une voie au-dessus d’une autre grande salle (escalade risquée pour mon goût !) Arrêt de la prospection après que Etienne ait expliqué que nous avions le sac plastique, mais pas la petite cuillère pour ramasser les morceaux en cas de chute 40 m plus bas… ».
6h15 passées sous terre.
Pendant ce temps-là d’autres spéléos creusent au fond des Isards et ensuite montent et explorent le fond de la grotte de l’Ours où une nouvelle étroiture est franchie dans du mommmilch.
Vendredi 26 juillet : Feu d’artifice spéléo final avec l’équipement et l’exploration du « Pedrito » qui est vraiment un gouffre magnifique.
Départ à 8 h, entrée dans le gouffre à 11 h, sortie à 17 h, retour au camp à 19 h. Une magnifique journée pour clore un camp.
Samedi 27 juillet, nettoyage, rangement et départ.
Bilan 1985 : Nous n’étions pas assez pour mener à bien les travaux du fond et nos renforts désiraient également profiter du site sans spécialement se prendre des galères en fond de trou.
Extrait d’un compte rendu : « Ce camp fut passionnant, par la diversité des participants, la variété des trous et, bien sûr la beauté du site…La spéléo fut pratiquée dans toute sa diversité et c’était le but recherché. Ce fut une réussite complète ! »
Extrait d’un autre compte rendu : « …malgré l’absence de grandes découvertes, mais plein d’espoir futur… L’important c’est d’avoir été entre amis et d’avoir passé de bons moments en harmonie avec ce décor grandiose qui nous est offert !!! »
A suivre… [plus que 1986 ] et un petit mot sur 1988
Dernière modification par Eric P88 (05/01/2014 17:51:38)
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Souvenirs, souvenirs... mais j'étais très petit... C'est papa qui y était en 1970-1971 ;-)
Les compte-rendus de ces expéditions sont essentiellement parus dans "Le P'tit Minou", bulletin du G.S.P.V. (Épinal - 88), "Hadès, les cahiers spéléologiques lorrains", bulletin du C.L.R.S. (Nancy - 54), et "Spéléo L", bulletin du C.R.S.A.L. (actuelle Ligue spéléologique lorraine).
Un site espagnol a raconté aussi une partie de cette aventure. Il est malheureusement aujourd'hui disparu, mais la "machine à remonter le temps du web" fait du très bon travail !
Récit paru sur le web espagnol en novembre 2004 à lire ici :
http://web.archive.org/web/200505130202 … storia/429
Pour ceux qui auraient des difficultés avec l'espagnol, voici quelques extraits traduits dans l'article "C’est arrivé dans le Haut Aragon il y a 40 ans" paru dans "Spéléo-Info Meurthe-et-Moselle" n° 21 de 2005 :
http://cds54.ffspeleo.fr/simm/simm21.html
Christophe
Dernière modification par xtof054 (06/01/2014 15:33:08)
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Merci pour ces infos et liens que je ne connaissais pas.
P*tain de trou Souffleur....qu'on n'a jamais trouvé...donc exploré, mais je ne veux pas (re)déterrer des cadavres Espagnols ou Ouest ou Nord Ouest Vosgien
Par contre c'est bien ce que je craignais, tous nos travaux et découvertes dans la Cueva de 1984 à 1986 ne sont pas (à première vue) recensés
C'est exactement pour cette raison que je me suis lancé à relater "l'épopée" de la Cueva + les derniers écrits du club s'arrêtent en 1976, 1977 pour le livre de C Pérignon et moi je relate plus la période que j'ai vécue à partir de1977.
Malheureusement je ne pourrai pas apporter TOUT ce qu'il faudrait, mais mes indications permettront à des spéléos, Espagnols ou pas , de reprendre le flambeau.
ll faut juste que je termine 1986
Dernière modification par Eric P88 (06/01/2014 18:50:36)
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Salut,
excellent ce récit qui fait remonter plein de souvenir espagnol...
Pour moi c'est le massif du mortillano, sumirédo de cellagua-Rubicéra qui est devenu très grand voir lien ci-dessous
http://www.cota0.com/?p=3598
Merci Eric
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Ce massif du Mortillano a été exploré par des Bourguignons, la Société Spéléologique de Bourgogne puis l'ARES (Association de Recherches et d'Exploration Souterraine) au début des années 70. Technique échelle et cordes doubles...
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Beaucoup plus tard les Aquas avec le CAF de Paris et Jean Yves Bigots nous avons exploré une partie du Cellagua avec la découverte de la rivière de Mazo-chico vers la jonction du Mortéro...
Effectué la première traversée royale par les grand puits avec découverte d'une rivière suspendu dans Rubicèra-Mortero avec un P160 plein gaz...
Après avoir raté de peu le réseau de la Gandara découvert par un certain Degouve j'ai abandonné le secteur. snif...
L'Espagne un sacré pays d'exploration...J'y ai fait mes premières expériences
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